Madame la secrétaire d’Etat,
Nous, représentants des salariés de Gemalto agissant en intersyndicle , avons pris connaissance de la réponse que vous avez faite à M. Jean-Luc Mélenchon, à propos du plan social en cours dans notre entreprise.
Nous tenons à dire que nous ne partageons pas l’ensemble de votre analyse.
Si, effectivement, nous pouvons penser que le rapprochement de Thales et Gemalto est une bonne nouvelle, la poursuite du PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), malgré tout, en est une moins bonne pour les salariés de Gemalto.
Dès lors, nous ne comprenons pas pourquoi, dans ce contexte, L’Etat ne fait rien pour mettre un terme à ce PSE que nous pensons injustifié.
L’Etat est partie prenante à plus d’un titre dans cette affaire :
– Il est actionnaire de Gemalto via la BPI (Banque Publique d’Investissements),
– Il est actionnaire de Thales,
– Il a attribué à Gemalto plus de 50 millions d’euros de CIR (Crédit Impôt Recherche) et plusieurs millions d’euros de CICE (Crédit Impôt Compétitivité et Emploi) ces dernières années,
– La DIRECCTE doit homologuer/valider le PSE.
Vous indiquez que ce «plan (est) justifié selon l’entreprise (Gemalto) par la nécessité de restaurer sa compétitivité sur un marché concurrentiel » alors que celle-ci va réaliser pour 2017 des résultats opérationnels bénéficiaires de plus de 310 millions d’euros.
Vous dites que « Ce projet est d’abord un projet de croissance et de développement. Il doit permettre de renforcer l’investissement et l’innovation en France tout en sécurisant la préservation de la souveraineté sur les activités technologiques sensibles ». Il est difficile de croire qu’un projet de croissance puisse débuter par la destruction de 288 emplois en France.
Vous dites que « Thales n’entend pas mettre fin au plan social en cours chez Gemalto ».
Cela sous-entendrait que Thales aurait la capacité de le faire.
Nous sommes heureux de l’apprendre par votre intermédiaire car, malgré nos demandes répétées, nous n’avons jamais été reçus par la direction de Thales.
De plus, vous ajoutez que «
(Thales souhaite) faire bénéficier d’un accès aux bourses de l’emploi et aux programmes de mobilité interne de Thales dans les mêmes conditions que les employés de Thales ».
Vous comprendrez notre incompréhension face à ce paradoxe, à savoir de détruire des emplois dans une société (Gemalto) pour en proposer d’autres dans une autre (Thales), sociétés qui seront avant la fin de l’année dans le même groupe.
Notons également que les promesses de la bourse d’emploi de Thales ne sont pas traduites dans les faits avec à ce jour entre 3 à 5 transferts pourront avoir lieu alors que plus de 129 salariés ont postulé et que 288 postes vont être supprimés.
Vous finissez en indiquant que « le gouvernement sera en tout état de cause très attentif au respect des obligations légales et des engagements des deux entreprises ».
Toutefois, nous constatons à ce jour que notre expert économique n’a pu obtenir l’ensemble des documents demandés et ce, malgré l’injonction de la DIRECCTE.
De plus, l’ensemble des experts désignés par les CHSCT de chacun des sites impactés pointe dans leurs rapports, à propos de ce PSE :
– un projet dégradant les conditions de travail (surcharge, perte de compétences, de synergie…)
– un projet financier plutôt qu’une recherche d’optimisation organisationnelle (délocalisation de postes)
– une conduite du changement mal gérée avec une absence de prévention primaire des RPS (Risques Psycho Sociaux)
– un découpage des catégories professionnelles qui interroge
Enfin, nos demandes réitérées de décalage de la date de consultation du CCE ont toutes été rejetées par la direction de Gemalto, la DIRECCTE ne nous ayant pas soutenu et bien que de nombreuses justifications aient été avancées pour cela et notamment la nécessaire consultation des instances représentatives suite à l’OPA de Thales sur Gemalto. Pour rappel, le juge des référés de Nanterre a estimé, dans son ordonnance du 22 Mars 2018, que, même si l’OPA visait Gemalto NV, Gemalto SA étant détenu à 99.99% par Gemalto NV, elle était concerné au premier chef par celle-ci et que le CCE était donc légitime dans sa demande de consultation, ordonnant par la même occasion de fournir les informations et documents concernant, notamment, la politique industrielle et financière et les plans stratégiques que l’auteur de l’offre (ie Thales) envisage d’appliquer, ainsi que les répercussions de leur mise en œuvre sur l’ensemble des intérêts, l’emploi, les sites d’activité et la localisation des centres de décision de la société GEMALTO SA, l’incidence de ce projet d’acquisition sur le projet de réorganisation et du plan de sauvegarde de l’emploi actuellement présentés aux instances.
Il apparait alors évident que les instances représentatives ne puissent donner un avis éclairé sur le projet de PSE avant même d’avoir été informées et consultées sur le projet d’OPA qui, cela ne fait aucun doute aujourd’hui, ira à son terme et se concrétisera par le rachat de Gemalto par Thales.
C’est pour toutes ces raisons que, nous représentants des salariés de Gemalto, vous demandons à nouveau d’intervenir et de retarder autant que nécessaire la mise en œuvre de ce PSE pour nous permettre d’accéder aux informations nécessaires pour rendre un avis motivé et éclairé sur la question.